Au Canada, nombreux sont ceux qui affirment régulièrement qu'il nous faut augmenter le nombre d’immigrants pour pallier notamment au manque de main-d’oeuvre. Certains ont même lancé l’idée que le Canada devrait faire en sorte d'avoir 100 millions d’habitants en 2100 (la population actuelle est de 37 millions). Cette logique plutôt simple suppose que plus un pays est populeux, plus ses citoyens sont prospères. À ce compte-là, la Chine et l’Inde devraient abriter les citoyens les plus riches de la planète. Une analyse des données de la Banque Mondiale démontre au contraire que le coefficient de corrélation entre le PIB par habitant et la population est de -,09 pour tous les pays de la planète en 2021. Il n’y a donc pas de lien statistique entre la richesse des habitants d’un pays et sa population.
Si on y réfléchit un peu, relier la propérité des citoyens d'un pays au nombre d'habitants ne tient pas la route. Pourquoi viser 100 millions d'habitants, pourquoi pas un milliard, deux, voire trois. Existe-t-il un seuil optimal au-delà duquel la prospérité commence à décroître ? Quel serait ce seuil optimal à atteindre ? Et est-ce que la richesse par habitant se traduit systématiquement par un degré équivalent de bonheur ? S'il est si facile de comprendre pourquoi ces questions sont insensées, pourquoi continuer à vouloir accroître l'immigration pour générer de la richesse dans un pays ?
Un immigrant apporte sa force de travail mais aussi une demande accrue pour des biens et services privés et publics. Si tous les paramètres économiques demeurent identiques, ajouter des citoyens n’améliore en rien le bon fonctionnement de la société. Sinon, tous les petits pays seraient miséreux.
Accueillir des immigrants ne devrait donc pas constituer un geste économique mais humanitaire, un geste d’entraide et non pas une bouée économique pour le pays d’accueil. Le pays hôte s’enrichira au passage de la diversité apportée par ces nouveaux citoyens mais les problèmes économiques fondamentaux ne disparaîtront pas magiquement parce qu’on accueille plus d’immigrants.
Le discours officiel en cache peut-être un autre beaucoup moins reluisant. Une augmentation de l'immigration assure aux employeurs un plus grand bassin de main-d'oeuvre et du même coup, un meilleur contexte de négociation des conditions de travail dû à la plus grande abondance de travailleurs. Les consommateurs y trouvent aussi leur compte sous la forme de produits et services moins chers.
Revenons au problème initial du manque de main-d'oeuvre. Un tel déficit indique probablement que notre modèle économique n'est pas performant. Sur-consommation, emplois mal rémunérés, productivité déficiente, autant de facteurs qui peuvent expliquer les problèmes rencontrés. Ajouter des travailleurs n'est pas une solution, c'est une fuite en avant. Inversement, une transformation de l’organisation de la société serait une démarche beaucoup plus mature et porteuse à long terme. Il est possible que ça nous oblige à remettre en question notre société de sur-consommation mais ça pourrait aussi nous amener vers une société plus juste pour tout le monde.
Malheureusement, c'est beaucoup plus simple de crier bien fort qu'il nous faut plus d'immigrants. Où trouverons-nous le courage politique pour mener à bien un réel exercice de réflexion sur le fonctionnement de nos sociétés ?